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3 questions à Antonin SEDOGBO, pour comprendre l’impact de la fin de la discrimination hommes/femmes sur la mise en place d’un PER Unique

Actense - cabinet de conseil en protection sociale et actuariat - perte de revenus

La différence d’espérance de vie à 65 ans entre les hommes et les femmes, traduite dans les tables de mortalité réglementaires, a pour conséquence de différencier le montant des rentes viagères entre hommes et femmes en fonction de leur espérance de vie à un âge donné. Avec la fin de la discrimination hommes/femmes et l’arrivée des PER, des arbitrages vont devoir se faire, avant la mise en place des PERU, au sein des entreprises disposant d’un effectif majoritairement masculin.

Comment sont calculées les rentes avec les tables de mortalité par sexe ?

Leur calcul repose sur l’espérance de vie à un âge donné qui est différente selon le sexe du collaborateur. Presque quatre ans : c’est l’écart d’espérance de vie à 65 ans [1] entre les femmes et les hommes, les femmes vivant en moyenne plus longtemps que les hommes. Cet écart de quatre ans est observé sur la population française [2] ainsi que dans les tables de mortalité réglementaires utilisées par les assureurs pour le calcul des rentes des contrats « article 83 » et des Plans d’Épargne Retraite Obligatoires (PERO) créés par la loi PACTE. L’utilisation de tables de mortalité par sexe a été introduite en 2007 avec l’entrée en vigueur des tables de mortalité TGH 00-05 et TGF 00-05. En moyenne, les femmes ayant une espérance de vie supérieure aux hommes, alors, pour un même niveau d’épargne accumulée, l’assureur devra, en moyenne, verser la rente plus longtemps à la femme qu’à l’homme.

Prenons un exemple pour mieux comprendre :

A 65 ans, l’espérance de vie résiduelle calculée sur la base des tables réglementaires utilisées en assurance est de 27,8 ans pour les femmes et 24,3 ans pour les hommes soit un écart de 3 ans et demi ou encore 14 % en termes relatifs. Si on prend le cas d’une femme et d’un homme, âgés de 65 ans qui disposent sur leur contrat « article 83 » ou PER Obligatoire du même montant d’épargne accumulée, la rente de l’homme sera supérieure à celle de la femme de 14 % (car versée moins longtemps en théorie).

A 65 ans, pour un capital épargné de 2780 €, une femme avec son espérance de vie résiduelle de de 27,8 ans touchera : 2780 € / 27,8 soit 100 euros.

En parallèle, l’espérance de vie résiduelle à 65 ans d’un homme s’établissant à 24,3 ans, pour la même épargne accumulée sa rente viagère sera égale à : de 2 780 € / 24,3 soit 114 €.

En versant 100 € pendant en moyenne 27,8 ans et 114 € pendant en moyenne 24,3 ans, l’assureur aura versé, en moyenne, exactement la même somme aux deux retraités, c’est-à-dire 2 780 €. C’est le principe de l’équivalence actuarielle.

En quoi la fin de la discrimination hommes/femmes impacte le calcul des rentes ?

Le principe de différenciation de la tarification des rentes par sexe en épargne retraite d’entreprise obligatoire est aujourd’hui une exception. En effet, depuis décembre 2012, dans l’ensemble des contrats de retraite souscrits à titre individuel, tels que les PERP, les contrats Madelin mais également les PERCO [3], l’utilisation de tables de mortalité par sexe est interdite. Les rentes de ces contrats sont donc calculées sur la base de la table de mortalité féminine, puisque celle-ci est la plus prudente (espérance de vie plus élevée). En cause, l’arrêt dit « Test-achats » de la CJUE du 1er mars 2011 qui a posé le principe général d’interdiction des discriminations entre les femmes et les hommes en matière d’assurance.

S’agissant de l’épargne retraite d’entreprise (« collective »), la différence de traitement existant entre les contrats « article 83 » et les PERCO est toujours passée inaperçue. En effet, le nombre de rentes PERCO liquidées chaque année est extrêmement faible, alors même que les contrats « article 83 » sont, par définition, liquidés sous forme de rente.

Quel rapport existe-t-il entre la fin de l’utilisation des tables de mortalité par sexe et la loi PACTE et ses 3 compartiments ERE ?

Avec la loi PACTE, l’entreprise peut mettre en place un PER disposant des trois compartiments (versements volontaires, épargne salariale et cotisations obligatoires) auprès d’un unique gestionnaire, ceci afin de faciliter la gestion tant pour l’entreprise que pour ses salariés.

Juridiquement, un PER Unique est un PERECO (le successeur du PERCO créé par la loi PACTE) dans lequel le compartiment « cotisations obligatoires » est alimenté par des cotisations obligatoires.

De fait, la réglementation relative à l’interdiction des discriminations homme / femme, en particulier en matière de rentes viagères, imposera aux assureurs gestionnaires de PER Uniques de liquider les rentes issues du compartiment « cotisations obligatoires » sur la base d’une table de mortalité unique qui sera par construction la table féminine, compte tenu de l’obligation de retenir la table la plus prudente.

Aussi, des salariés de sexe masculin qui seraient placés dans des situations identiques en termes de taux de cotisation et de rendement de leur épargne, se retrouveraient in fine avec des montants de rentes différents (-14%) selon que les cotisations obligatoires auront été gérées dans le cadre d’un PERU ou dans le cadre d’un PERO pour lequel la faculté de recourir à des tables de mortalité sexuées n’est pas remise en cause. …

Faut-il arbitrer entre PERO et PERU ?

La réponse est oui. La problématique des tables de mortalité pour le calcul des rentes issues du compartiment « cotisations obligatoires » des PER et l’obligation d’utiliser une table unique dans le cadre des PERECO et donc des PERU nécessite de se poser la question de mettre en place ou non un PERU. Cela sera le cas dans les secteurs employant majoritairement des hommes comme l’industrie par exemple. Si un volet « cotisations obligatoires » est prévu, ces entreprises devront arbitrer en connaissance de cause entre la mise en place d’un plan unique au sein duquel la table de mortalité féminine sera la règle et la coexistence d’un PERECO pour les versements volontaires et l’épargne salariale, d’une part et d’un PERO pour les cotisations obligatoires, d’autre part. Dans ce dernier cas de figure, l’assureur pourra continuer à utiliser les tables de mortalité par sexe.

N’hésitez pas à lire à ce sujet notre dernière tribune qui met en lumière la nécessité d’un arbitrage éclairé.

[1] La notion d’espérance de vie à un âge donné ne doit pas être confondue avec la notion d’espérance de vie à la naissance, pour laquelle l’écart d’espérance de vie entre femmes et hommes est encore plus important.

[2] Voir par exemple : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676610?sommaire=3696937

[3] L’adhésion d’un salarié au PERCO mis en place par son entreprise étant facultative, les rentes issues des PERCO sont réputées résulter d’une adhésion individuelle et entrent donc dans le périmètre visé par l’arrêt « Test-achats ».