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Réduction du RAC (reste à charge), il n’y a pas que les options dans la vie…

Alors que le succès du 100% santé a été salué par le Ministère des Solidarité et de la Santé avec plus de 10 millions de français bénéficiaires, les représentants des salariés et les employeurs s’interrogent de plus en plus sur l’optimisation de leur régime obligatoire au travers de la réduction du reste à charge (RAC) de certains actes. Un enjeu clé du régime Frais de Santé car un RAC trop important peut entrainer une réduction du pouvoir d’achat pour le bénéficiaire voire un renoncement aux soins.
Actense - cabinet de conseil en protection sociale et actuariat - reste à charge des ménages
TRIBUNE D'EXPERT

Alors que le succès du 100% santé a été salué par le Ministère des Solidarité et de la Santé avec plus de 10 millions de français bénéficiaires, les représentants des salariés et les employeurs s’interrogent de plus en plus sur l’optimisation de leur régime obligatoire au travers de la réduction du reste à charge (RAC) de certains actes. Un enjeu clé du régime Frais de Santé car un RAC trop important peut entrainer une réduction du pouvoir d’achat pour le bénéficiaire voire un renoncement aux soins. Seule une analyse poussée du RAC en fonction des actes et des comportements des assurés débouchant sur une étude d’impact permet de disposer de données pertinentes pour effectuer le meilleur choix en matière d’optimisation du régime de santé. Un choix qui pourra consister, en fonction du rapport bénéfices/coût, à améliorer les garanties au sein du régime de base, à activer des options responsables ou non ou… à ne rien faire !

RAC et renoncement aux soins : disposer des bonnes données pour prendre les bonnes décisions

Un reste à charge (RAC) trop important peut devenir un enjeu majeur d’un régime Frais de santé car il a des conséquences immédiates sur l’entreprise. Tout d’abord il a un effet sur le comportement des assurés avec un risque accru de renoncement aux soins, qui peut impacter la performance des équipes mais aussi la sécurité des collaborateurs. Que dire d’un chauffeur routier qui ne porterait pas de lunettes à sa vue en raison d’un RAC trop important …

Ensuite, la qualité du régime Santé d’une entreprise participe à son attractivité – on parle alors de marque employeur – surtout sur les secteurs dits « en tension ». Et cela passe souvent par la réduction du RAC pour les assurés.

Son optimisation est donc une démarche louable tant d’un point de vue de la performance que de la RSE et de l’image de marque.

Activer les leviers d’optimisation qui offriront le meilleur rapport coût/bénéfice

Pour activer les bons leviers qui permettront d’atteindre l’objectif de réduction du RAC, il est indispensable de comprendre la structure du reste à charge du régime : quels sont les actes concernés ? Quelle est la part des assurés qui paient le plus de reste à charge ? Le RAC est-il choisi (certaines montures de lunettes) ou subi (dépassements d’honoraires de médecins spécialistes hors DPTAM) ? Les assurés utilisent-ils – voire connaissent-ils – tous les leviers de réduction du RAC mis à leur disposition (réseaux de soins, options, etc.) ?

Une fois ces leviers identifiés, quel sera leur coût ? Comment s’y prendre pour que l’optimisation n’implique que des coûts acceptables financièrement et psychologiquement pour l’entreprise et/ou ses salariés ?

Il est donc nécessaire avant d’arbitrer de réaliser une étude de la structure du RAC et une étude d’impact de chaque solution envisagée pour réduire le RAC. En supposant que le régime Frais de santé est piloté à l’équilibre – c’est-à-dire avec une cotisation adaptée avec un indicateur « Sinistre sur Prime » proche de 100% – il faut s’intéresser au RAC par acte du régime, étudier les indicateurs les plus pertinents pour comprendre la structure du RAC et identifier les meilleurs choix à faire.

Pour prendre la meilleure décision, il faudra également tenir compte des taxes associées aux contrats respectant ou non les critères responsables. En effet, quand cela est possible, il est préférable d’intégrer les améliorations de garanties (non contraintes par le contrat responsable ou respectant les plafonds contrat responsable) dans une option responsable taxée à 13,27% plutôt que dans une option non responsable taxée à 20,27% qui amènerait un surcoût d’un peu plus de 6% sans valeur ajoutée supplémentaire !

Étudions ensemble les différents cas de figure en fonction de la typologie des actes et de la structure du RAC.

Prenons l’exemple d’un régime haut de gamme (inspiré d’un cas réel) et étudions les restes à charge par poste et par acte.

Ce schéma présente la structure des coûts par poste avec les différents remboursements et les restes à charge.

Ce schéma présente la structure des coûts par poste avec les différents remboursements et les restes à charge.

Le graphique ci-dessous représente la répartition des restes à charge par poste :

La répartition des restes à charge par poste

Lecture du graphique : le poste « Divers » (médecine douce, appareillage, etc.) présente un taux de RAC à hauteur de 20% et représente 32% du RAC global.

1er levier d’optimisation : améliorer la garantie dans le contrat de base (cas de la médecine douce)

Dans notre exemple, le poste « Divers » (médecine douce, appareillage, etc.) présente un taux de RAC à hauteur de 20% et concentre à lui seul 32% du RAC global constaté sur le régime étudié.

Allons plus loin et ventilons par acte le RAC du poste « Divers ». Que constatons-nous ? Que la garantie « Médecine douce » (en particulier l’ostéopathie) concentre, à elle seule, 78% du RAC du poste « Divers ».

Médecine douce

Une amélioration de la garantie « Médecine douce » pourrait être envisagée dans une option responsable (pour éviter la surtaxe), mais il s’avère plus intéressant d’améliorer la garantie directement dans le contrat de base. En effet, dans la mesure où il est possible de le faire dans le contrat de base (pas de contrainte « plafond responsable » au titre des actes de médecines douces), cela permet de bénéficier d’une plus grande mutualisation du risque et donc d’un coût moindre.

Il est toutefois important de tenir compte du risque d’augmentation de fréquence de la consommation induite par la hausse du niveau de couverture de la garantie et qui peut avoir des impacts sur les coûts pour l’employeur et pour les salariés.

2e levier d’optimisation : communiquer et faire évoluer le comportement des assurés (cas de l’optique et des soins dentaires)

Toujours dans notre exemple, l’analyse montre que le taux de RAC de l’optique est de 11% (26% du RAC global) et se répartit comme suit :

optique

Notons qu’il existe des RAC incompressibles dans le cadre d’un contrat responsable, en l’occurrence les montants au-delà des plafonds de garanties imposés par le contrat responsable sur certains actes.

Sachant que la quasi-intégralité des montures est choisie dans le « panier libre » dans le cadre d’un régime avec des couvertures élevées en optique, il est régulièrement observé, pour les montures « panier libre », un niveau de dépenses au-delà du plafond responsable (qui s’élève à 100 € depuis le 1er janvier 2020).

Bien que le contrat responsable ne puisse fixer de niveau de remboursement au-delà des plafonds prévus (pour la monture ou pour les verres), une prise en charge via une option ne semble pas adaptée. En effet le coût de cette option, à terme, dépend du reste à charge majoré des frais de gestion (d’expérience, dans le cas de la monture, le niveau de la dépense s’aligne sur le niveau de garantie de l’option) et de la taxe spécifique, applicable aux contrats non responsables à hauteur de 20,27%. Le tout avec un rapport bénéfices/coûts très discutable…

D’autres indicateurs sont à prendre en compte avant de prendre une décision, en particulier ceux qui permettent une analyse de la répartition de la consommation selon le niveau des dépenses afin d’analyser les comportements d’achats des assurés.

Dans notre exemple, le pourcentage de salariés sans RAC est de 60% pour les verres simples et de 75% pour les verres complexes. Or, l’analyse des comportements d’achat laisse apparaître que le pourcentage de salariés sans RAC passe à 80% pour les verres simples et à 90% pour les verres complexes pour les assurés ayant acheté leur équipement dans le réseau de soins.

L’amélioration des garanties verres reste toujours envisageable, mais dans la limite des plafonds responsables, sous peine de voir la taxe non responsable à 20,27% réduire considérablement l’intérêt de cette action.

La solution la plus efficace pour réduire le RAC (et surtout la moins couteuse …) dans ce cas ? Inciter les salariés à consommer au sein des réseaux de soins, plutôt que de renforcer les garanties avec un risque coût élevé !

Autre angle de réflexion : la consommation par panier

Le régime qui nous sert d’exemple comporte des garanties haut de gamme en dentaire avec des RAC relativement faibles, à savoir 4% de RAC au niveau du poste dentaire et 13% du RAC global. L’étude de la consommation par panier (« Panier 100% santé » ou « RAC0 », « Panier maitrisé », « Panier libre ») est intéressante, si on se penche sur les RAC moyens associés aux paniers « Maitrisé » et « Libre ».

les garanties dentaires

Au regard des RAC moyens constatés, il semble peu opportun d’améliorer les garanties dentaires, d’autant qu’une analyse de dispersion (par acte dentaire), permettant de classer les « consommations » par ordre croissant des frais réels constatés et d’identifier le pourcentage de bénéficiaires sans aucun RAC, confirme ce choix.

les garanties dentaires

3ème levier : créer une option non responsable pour les restes à charge à fort impact (cas des honoraires dans le cadre d’une hospitalisation)

Pour les consultations de spécialistes, l’approche se pose différemment car, nombre de ces consultations sont majoritairement pratiquées par des médecins non-signataires du DPTAM, avec des dépassements supérieurs à une fois la base de remboursement de la Sécurité sociale.

Dans notre exemple, 40% des consultations de spécialistes non DPTAM ont des honoraires au-delà du plafond responsable, une statistique assez homogène d’un contrat à l’autre, ce qui peut conduire à quelques dizaines d’euros de RAC par consultation pour le bénéficiaire.

ventilation des actes avec depassement

Concernant les honoraires liés à l’hospitalisation, les bases de remboursement de la Sécurité Sociale pouvant atteindre quelques centaines d’euros, les RAC peuvent rapidement grimper en flèche dès lors que le plafond de 2 fois la base de remboursement est dépassé. Dans ce cas, les RAC peuvent représenter plusieurs centaines d’euros pour une intervention dans le cadre d’une hospitalisation.

Dans notre exemple, la moyenne des dépassements des honoraires hospitalisation est peu élevée – environ 15 € – mais si l’on effectue une étude de dispersion, nous constatons des écarts très importants :  le RAC varie de 6 € à 369 € pour 95% des assurés mais, pour les 5% restants, le RAC peut être largement supérieur à 1 000 €.

des dépassements des honoraires hospitalisation

Dans ce cas, la création d’option(s) non responsable(s) (donc avec une taxe majorée), permet une nette amélioration du remboursement au titre des frais d’hospitalisation et/ou des honoraires de spécialistes. Elle se justifie pleinement, au regard des dépassements très importants constatés et le jeu en vaut la chandelle car la mise en place des plafonds responsables dans les régimes Frais de santé n’a pas eu l’impact escompté sur la modération des dépassements concernant les honoraires.

Le besoin est bien présent et le RAC peut être très élevé quand il se produit en particulier pour les honoraires dans le cadre hospitalier. Or ce risque présentant une faible fréquence, il sera peu coûteux s’il est mutualisé au sein d’un régime avec une base d’adhérents suffisamment importante. Dans ce cas, le recours à une option non responsable est totalement acceptable en termes de coûts et sera perçue comme un avantage pour les salariés.

Conclusion : sans étude du RAC et de l’impact de son optimisation, point de salut !

La réduction du RAC est certes une belle idée sur le papier et un vrai levier de motivation et de performance pour les équipes, mais l’enfer peut parfois être pavé de bonnes intentions. Il s’agit d’améliorer son régime Frais de santé au juste prix avec le meilleur rapport bénéfices/coûts en apportant une réelle valeur ajoutée pour les collaborateurs. Pour cela, il faut tenir compte également du niveau de salaire et d’exigence des salariés qui va faire qu’un même RAC sera plus ou moins impactant sur le pouvoir d’achat de l’assuré

Dans tous les cas, une étude d’impact d’amélioration d’une garantie doit être réalisée avant de décider de renforcer les garanties de base dans le cadre du régime responsable ou de choisir une option (responsable ou non).

Il est donc indispensable de quantifier le coût direct de l’optimisation afin de savoir si la mise en place de nouvelles options peut impliquer de sortir du cadre d’un contrat responsable et de payer un surcoût ou si finalement il ne suffit pas de mieux communiquer, simplement, sur le « consommez mieux » et ne rien faire !

ACTENSE - Guy LE GOFF

Guy LE GOFF - Consultant Manager Actense

Titulaire d’une maitrise d’économétrie (Paris la Sorbonne I), Guy a très rapidement orienté sa carrière vers le secteur de la prévoyance et de la santé. Pendant près de 20 ans, il a évolué au sien d’organismes assureurs leaders dans leur domaine avant de rejoindre l’équipe d’Actense en 2013.

Il met au service de ses clients l’expertise et l’expérience acquises « de l’autre côté de la barrière » pour leur fournir des solutions opérationnelles et pragmatiques dans le domaine de la prévoyance et de la santé. Pour eux, il conçoit, évalue, contractualise et suit les offres santé et prévoyance et les accompagne pendant toute la vie de leur régime. Son écoute et son excellente connaissance du secteur tout comme sa démarche de veille technique et réglementaire permanente sont des aides précieuses pour ses clients.

Guy intervient régulièrement pour réaliser des audits des comptes Santé/Prévoyance des régimes collectifs, analyser les risques et animer des commissions paritaires. Concepteur et animateur de formations à destination de ses clients, Guy a été intervenant au CNAM de 2014 à 2019, spécialité actuariat.